Giuseppe Rinaldi, prince du Barolo
Après une matinée à Verduno avec le délicat Fabio Alessandria de Burlotto, me voici au cœur de l’appellation, à Barolo. Visite chez un autre des très grands de cette région, Rinaldi. Je n’aurais pas eu la chance de rencontrer Bepe, qui donna à son domaine ses lettres de noblesse.
Ses filles Carlotta et Martha ont repris le flambeau, dans un cadre toujours aussi « sauvage ».
C’est Carlotta qui nous reçoit, j’accompagne un groupe de clients américains au ton redondant et assez condescendant sauf peut-être leur accompagnateur. Je ne pourrais du fait de ce groupe pas trop demander d’explications ou rentrer dans tous les détails qui m’intéressent, mais c’est une première expérience chez Rinaldi.
Les vignes sont en partie attenantes au domaine, et les courants d’air jouent à priori un rôle prépondérant dans cette partie du cru. Le Ravera étant la parcelle la plus fraîche de tout le domaine. Les Rinaldi possédant des parcelles sur Cannubi San Lorenzo, Brunate, Ravera, et bien sur d’autres parcelles
Venant d’Alessandria un vent chaud de terre venant du Nord se confronte aux vents frais venant des Alpes et de l’Ouest. L’exposition des parcelles recevant les vents joue ainsi sur l’état sanitaire des raisins, ainsi que sur les maturités. Ici on traite assez peu et le souffre est utilisé de manière très limitée. Auparavant il était saupoudré par jets lors de la mise en cuve, au niveau du fouloir :-)
Les vins sont donc mis en cuves et remontés. Carlotta insiste sur le fait que son père faisait beaucoup de remontages et qu’on souffrait au fouloir par poignées ce qui pouvait potentiellement expliquer une certaine lenteur des fermentations...
Tre Tine tient son nom des trois cuves utilisées pour encaver les raisins. Tine est une cuve ouverte, servant pour les fermentations...Et voilà, CQFD.
Nous attaquons ensuite la dégustation.
Nebbiolo 2017, année chaude et compliquée en Piemonte, les raisins proviennent à 100% du Cru Ravera, d’une vigne surgreffée de Dolcetto. Le nez d’abord un peu « nature » est assez terreux, ne dévoile pas encore grand-chose. La bouche est très douce, un fruit quasi exubérant, gras et riche, aux tannins souples un grand stress hydrique et des températures élevées caractérisent 2017. Carlotta nous dit que les Barbera ont souffert fortement cette année-là.
Barolo 2015 en bouteille, Le nez sur les fruits très murs possède une pointe de volatile, en bouche c’est tendu et serré, une matière chaleureuse enrobe le vin, c’est accessible déjà, l’acidité est contenue et la longueur est bonne, une année aux fermentations rapides. C’est Bien.
Brunate 2015 en bouteille, issu de 85% de Brunate et 15% de Le Coste. Le nez d’orange sanguine, finement boisé, complexe à la pointe « nature » et à la légère oxydation me rappelle les Annunziata de Settimo C’est borderline du très bon côté. La bouche toute en tension et minéralité nous transporte, du chocolat et une très légère amertume, un vin de grande longueur et un poil chaleureux en finale. Bien+/++
Nous discutons ensuite des sols de chaque parcelle, avec Le Coste replanté en 1987 suite à la grêle, et dont les clones sur sols légers donnent des vignes peu vigoureuses aux petites grappes. Le Cannubi San Lorenzo quant à lui fort vigoureux donne des grosses grappes bien que sur un sol assez similaires au Coste.
Nous dégustons ensuite en foudres, et là c’est un autre monde... Je ne sais pas si c’est le millésime ou un effet de masse... mais les vins sont d’une autre dimension
Ravera/Cannubi 2016, le vin au profil légèrement végétal en finale possède un jus incroyable, une rondeur et un gras qui force l’admiration, Très bon Vin, TB/ TB+
Le Brunate 2016 aux notes d’orange et de végétal est très tendu et juteux, des tannins encore présents, mais l’allonge est phénoménale, et le vin se positionne au fur et à mesure dans le palais, Grand Vin...
Je ne pourrais pas insister pour discuter avec Carlotta plus avant, mes nouveaux amis américains me raccompagnant aimablement à la porte...
Je finirais par aller dans la vigne e prendre quelques clichés... Et traîner un peu au domaine. J’aurais aimé discuter de ce Brunate 2016 qui devrait devenir mythique à mon avis... mais le sort en décide parfois autrement.
La conclusion est assez brutale, et surprenante, car autant ce matin j’ai pu largement profiter de la météo exceptionnelle et d’un accueil vraiment agréable de la part de Fabio Alessandria, autant le groupe d’américains a largement refroidi mon enthousiasme...
J’ai d’ailleurs touché du doigt une des raisons pour laquelle certains de ces vins extrêmement recherchés au monde sont devenus aussi ennuyeusement chers et parfois surcotés... Enfin je ne parle pas de celui-ci en particulier mais de l’attitude d’une clientèle au demeurant fort bien éduquée et assez connaisseuse, car il s'agissait là d’amateurs éclairés mais à l’attitude et à la condescendance affirmée, en tous cas de mon point de vue. Et certainement si riches que passer un week-end en Italie et acheter des Barolo rares est une activité aussi contraignante que de passer récupérer les enfants à l’école ou aller aux courses...
Les vins de Rinaldi sont à l’image de ce que j’avais déjà dégusté, très traditionnels, parfois sur une brèche qui n’est jamais dépassée, parfois difficiles d’accès. Les 2015 ne me paraissant pas évidents à goûter en ce moment. J’ai apprécié d’être reçu. Je sais combien les Rinaldi sont assaillis de demandes en tous genres depuis quelques années, et j’essaierai de revenir non accompagné ou avec un petit groupe d’amis...
Une fois de plus on est ici sur un domaine extrêmement rare, distribué sur allocations, accessible en première main, puis qui prend des proportions illogiques dès lors que les vins sont libres sur le marché. (Les allocations c'est quoi ? )
Je ne saurais que vous conseiller de goûter d’autres grands Barolo plus abordables si vous aimez ce style. Il en existe des dizaines de très très bons.
Cependant il faut en goûter au moins une fois, mais comme dirait mon ami MP, au bon prix !