Getariako txakolina, divin petit vin basque
Son meilleur atout est sa situation ; un minuscule terroir qui plonge vers la mer, doucement caressé par les embruns, où seules les vignes d’Euskadi ont droit à l’appellation d’origine « Getariako Txakolina », depuis 1989. Signe particulier d’une tradition culturelle, le txakoli de Getaria est un petit vin blanc, vif et frais, un brin iodé, qui pétille, métamorphose les coquillages et fait merveille au poteo. Secrets de fines bulles, magiques et insolites ! Texte de Lucie d’Incau
Qu’est-ce qui fait que le txakoli est un vin unique au monde ? On évoque le terroir fascinant du Guipúzcoa. Tout petit territoire, à la pointe nord de l’Espagne. La beauté sauvage d’un vignoble, cultivé sur les versants et les montagnes qui se jettent dans la mer. Un sol mystérieux, millefeuille vertical de strates de sédiments, où l’on trouve un calcaire du Jurassique, qui laisse passer l’eau sans la retenir. Les falaises de flysch unies au cordon littoral. On met en avant le climat, sous influence marine, l’ensoleillement des terrasses, à l’abri des vents du nord, une pluviométrie très particulière, ou même les embruns, qui nimbent d’un nuage de buée les grains. On privilégie les cépages hondarribi pour faire revivre l’ancienne « Vigne » d’Euskadi. On peut simplement affirmer que tout repose sur le savoir et l’intuition des 150 bodegueros de Getaria, Zarautz, Aia… qui ont appris à sublimer le petit vin de chiquiteo.
Tout le secret du txakoli est dans ses bulles fines, à l’inimitable parfum de mer et de ciel. L’unité des 433 hectares d’un vignoble atypique – il couvrait 21 ha, en 1980 – enraciné dans les parcelles de terre basque, une sensibilité nouvelle et la technologie – l’Inox et la thermorégulation ont envahi les chais – les choix économiques, lui ont donné son envergure actuelle. Ivresse de liberté. Le txakoli pouvait renaître dans un paysage cosmique, reconquis par une poignée « d’aventuriers » qui redécouvrent l’encépagement originel et mènent, en quelques années, une révolution : réinventer un chacolí de taverne en un cru structuré et estampillé. Avec une aire délimitée et une charte sévère, ce petit bijou œnologique décroche son label d’AOC, en 1989, étendu à toute la géographie de la province, en 2007. Minuscule et unique, « Getariako Txakolina » marque la consécration du petit vin sec, indocile, sans quoi l’appellation Txakoli de Getaria ne serait pas. Une histoire de rien, émouvante d’être toute simple. Comme tout le village de pêcheurs. Et parce que trinquer est, ici, un rite, on vous le fera pétiller en le servant de haut, pour exalter son effervescence naturelle, pour que le jet se brise dans le verre et libère la txinparta. L’étincelle attendue. On vous le fera goûter, essayer, aimer, servi très frais. À petites gorgées, pour mieux apprécier. Comme dans un rêve, léger, fruité et pâle, le txakoli affiche onze degrés, un trait d’esprit d’orange et de citron, la magie d’une alchimie tout en notes aériennes d’herbes fraîches et de fleurs des champs.
Les mystères d’une viticulture improbable
Getaria, petit lopin de terre où la pêche est élevée au rang d’art séculaire et ancestral. Le village d’Elkano, second de Magellan, qui accomplit, en 1522, après trois ans de traversée infernale, la première circumnavigation planétaire. Avait-il embarqué sur le Victoria du vin de sa terre natale ? Les actes fondateurs de la petite cité marinière attestent déjà de la production de txakoli, en 1204. Un produit culturel, vital et géographique, qui recèle les mystères d’une viticulture aussi improbable que surréaliste… Les vignes hautes se développent, embusquées entre la mer Cantabrique et la montagne Garate. Beautés indomptées qui fascinent le philosophe allemand, Guillaume de Humboldt, dans son voyage basque, en 1801, observant dans maints vergers la treille, soutenue par de gros os de baleine, chassée bien sûr par les arrantzales de la localité. Passé du statut de simple « petit vin » fait à la ferme, il y a des siècles, à un cru remarqué à l’International, le txakoli transcende l’etxe pour se faufiler sur les cartes des grands restaurants. Revendication d’un vin survivant au phylloxéra, qui avait presque anéanti les raisins hondarribi.
C’est Pedro Txueca Etxaniz qui éclaire le nouveau ciel de ce petit coin d’Euskadi. Il a eu un jour envie de faire quelque chose pour le petit vin de son village, misant sur 3 hectares et sur l’œnologie. Audace d’un pionnier qui séjourne en Champagne, décroche le premier titre de Mahasti Jaun (seigneur de la vigne), et entraîne dans son sillage d’autres amateurs de « perfection ». Comme ses trois fils, Iñaki, Andrés et Ernesto, qui relèvent le défi, multiplient les boutures des souches centenaires, investissent dans les chais, preuve de l’efficacité et de l’ampleur de l’œuvre de Pedro. Ensemble, ils ont crée le plus grand domaine au nom de « Txomin Etxaniz », rendant hommage à l’ancêtre Domingo, retrouvé dans les archives de Tolosa, déjà vigneron militant, en 1649. Depuis, la famille met à grande échelle les divines bulles en bouteille. Petites bulles douces pour la cuvée « TX ». Un txakoli de garde, produit des vieilles vignes, fermenté sur ses propres lies et levures. Et élevé six mois en barrique d’acacia français. Flaveurs de lys et de pomme ; un côté acidulé qui agace délicieusement les papilles. Un cru fabuleux, donnant la réplique aux merveilles des marées. Plongée vertigineuse dans un jardin de 70 hectares, où d’étroits passages serpentent entre les tonnelles, jusqu’à la cave, perchée sur la falaise, îlot solitaire, au-dessus des flots.
L. d’I.
Conseil Régulateur de la D.O. Getariako Txakolina – tél : 00 34 943 14 03 83
Bodega Txomin Etxaniz – tél/fax : 00 34 943 14 07 02
Présentation de la saison du txakoli de Getaria : le 17 janvier, date coïncidant avec les festivités de la San Anton.