Enjôleur Beaujolais primeur !
De la réalité au concept !
Alors que dans les années 1970 Serge Prisset chantait « Tes lèvres ont le goût du Beaujolais nouveau », Louis de Funès enchérissait en 76, dans la satire gastronomique l’Aile ou la Cuisse « Avec du Coca Cola ? No, with Beaujolais Nouveau »
Nous y sommes, en ce 3ème jeudi de novembre !
Comme une fête païenne désormais quasi institutionnelle, les stocks sont arrivés chez les cavistes, les bouteilles de Gamay inondent la planète.
Tamtamtam : LE BEAUJOLAIS NOUVEAU est là !!
Mais le nouveau est un concept commercial alors que le primeur est une réalité vinicole.
Il n’est dans le cas présent aucunement question de parler qualité, un mauvais vigneron fera un mauvais primeur, un bon vigneron un bon primeur.
Le « vin primeur » est la capacité donnée au vigneron de vendre (en respect du cahier des charges INAO) un vin de l’année quelques mois après les vendanges.
En France, 16 appellations AOC et 68 appellations IGP bénéficient de cette autorisation en 2018 mais il est vrai que le Beaujolais en reste une figure de proue.
Du primeur historique …
Dès la Grèce Antique, lors des Anthestéries (aux environs de fin février), les viticulteurs descellaient les amphores en l’honneur de Dionysos. Des nymphes des vignes, blondes et à queue de serpent, fêtaient le vin nouveau en début d'année.
A base de raisins verts et bu lors des vendanges, les viticulteurs de Rome élaboraient quant à eux du du vinum preliganeum. C’était un breuvage acide que l’on pourrait comparer à de la piquette ou du vin bourru. Mais ça, c’était avant.
… au (re) nouveau du Beaujolais
Car faisons un saut temporel.
Non contents d’un arrêté paru au journal officiel le 8 septembre 1951 ne permettant la vente des vins d’appellation d’origine qu'à partir du 15 décembre, les syndicats viticoles obtiennent qu’une note plus précise indique « dans quelles conditions certains vins peuvent être commercialisés dès maintenant sans attendre le déblocage du 15 décembre ».
Cette date fut variable pendant une quinzaine d’année avant d’être fixée au 15 novembre en 1967.
En 1985, pour des raisons plus marketing que des réalités viticoles, elle fut pour le « Beaujolais Nouveau » fixée au 3ème jeudi de novembre.
Il est facile de nos jours de juger, le bien fondé, la qualité, les intérêts particuliers ou collectifs.
Mais qui n’a pas le souvenir d’une soirée de copains pour fêter l’arrivée du « primeur », des paris pour savoir s’il aura plus un goût de banane que l’année précédente ou s’il tirera sur la fraise ou la framboise ?
« Acétate d’isoamyle : catégorie chimique des esters » le mot est lâché.
Ce goût de banane, quand il est et reste subtil et un arôme fermentaire naturel (levue 71B), conséquence de la macération carbonique, utilisée dans l’élaboration des vins primeurs.
Le problème se pose quand par facilité mercantile les vignerons et plus souvent les négociants interviennent par des ajouts de levures de laboratoire.
Le Beaujolais Primeur est donc un vin jeune, frais et gouleyant. !
Faites l’expérience d’en garder quelques bouteilles pour les années suivante et vous verrez que s’il est bien fait, il vieillira sans problème et se bonifiera.
Le Beaujolais Primeur est un instant de rencontres, d’échanges, de partage !
Le Beaujolais Primeur est une mise en bouche de l’année à venir, il nous donne quelques tendances !
Il y a eu, il y aura toujours des excès, mais un caviste choisit ses vignerons, donc ses primeurs.
Faites-vous cuire un saucisson au gene, invitez des amis et feuilletez ensemble « Le Beaujolais Nouveau est arrivé » roman canaille de René Fallet. Ces instants sont inoubliables !
Julien Gangand
Cédits photos : interprofession des vins du Beaujolais